Les Jeux Paralympiques sont une célébration mondiale de la résilience, du talent et du dépassement de soi, où des athlètes en situation de handicap, issus d'horizons différents, rivalisent pour être le meilleur (ou la meilleure) athlète de sa discipline. Pourtant, en 2024, à Paris, comme lors des éditions précédentes, une communauté est notablement absente : la communauté sourde. Cette absence soulève une question légitime : pourquoi les personnes sourdes et malentendantes ne participent-elles pas aux Jeux Paralympiques ?
Une distinction historique
Pour comprendre cette exclusion, il est essentiel de plonger dans l'histoire et les structures du mouvement paralympique. Les Jeux Paralympiques sont nés en 1960, à Rome, avec pour mission de permettre aux personnes ayant des handicaps physiques de participer à des compétitions de haut niveau. Les handicaps pris en compte incluent les déficiences physiques, visuelles et intellectuelles. Cependant, les déficiences auditives n'ont jamais été intégrées à cette définition.
L'idée d'organiser des compétitions sportives pour les personnes sourdes remonte à la fin du XIXe siècle. À cette époque, les personnes sourdes étaient rarement vues dans les compétitions sportives traditionnelles, en grande partie à cause des défis de communication et de la stigmatisation sociale. Cependant, l'émergence des " jeux silencieux " a marqué un tournant important.
En 1924, Paris, sous l'impulsion d'un français : Eugène Rubens-Alcais, a accueilli les premiers jeux internationaux pour les personnes sourdes, une manifestation pionnière qui allait poser les bases des Deaflympics. Ces jeux avaient pour but de créer un espace dans lequel les athlètes sourds pouvaient démontrer leur compétence sans les obstacles présents dans les compétitions pour entendants. Bien que l'événement ait été modeste, il représentait un pas significatif vers l'inclusion et l'égalité dans le sport.
Ces Jeux ont leur propre structure et sont reconnus par le Comité International Olympique (CIO) depuis 1955. Par conséquent, les sourds ont toujours eu leur propre compétition internationale, distincte des Jeux Paralympiques qui ont été créés un peu moins de 40 ans après les 1ᵉʳˢ "Jeux silencieux".
Des besoins et défis différents
Un des arguments pour cette séparation est que les besoins des athlètes sourds sont différents de ceux des athlètes paralympiques. La surdité ne nécessite pas les mêmes adaptations que les handicaps physiques ou visuels. Par exemple, dans les Deaflympics, les signaux visuels remplacent les signaux sonores pour des sports comme la natation ou l'athlétisme.
Les Deaflympics se distinguent par leur diversité en termes de sports proposés. "L'athlète sourd est physiquement apte à concourir sans restrictions significatives, à l'exception des barrières de communication", explique le Comité international des sports des sourds. "Dans les sports d'équipe et certaines épreuves individuelles, la perte d'audition peut être une contrainte. Cependant, ces restrictions disparaissent aux Jeux des sourds. Les sports et leurs règles sont identiques à ceux des athlètes valides. Il n'y a pas de sports spéciaux et les seules adaptations consistent à rendre les signaux auditifs visibles. Par exemple, nous utilisons des lumières stroboscopiques pour les signaux de départ".
De plus, la communication et l'interaction dans le cadre de l'événement sportif sont essentielles. Les sourds utilisent souvent la langue des signes, ce qui demande des interprètes et une logistique différente. Regrouper les Deaflympics avec les Jeux Paralympiques pourrait diluer les spécificités de chaque groupe et poser des défis organisationnels complexes.
Une question d'identité et de représentation
Au-delà des aspects techniques, il y a aussi une dimension d'identité culturelle. La communauté sourde possède une culture et une histoire riche, avec sa propre langue (la langue des signes) et ses traditions. Les Deaflympics ne sont pas seulement un événement sportif, mais aussi une célébration de cette culture. Certains membres de la communauté sourde craignent que l'intégration aux Jeux Paralympiques ne diminue la visibilité de leur culture. "Au sein de la communauté sourde, le soutien à des Jeux séparés est massif. Les personnes sourdes ne se considèrent pas comme invalides, en particulier sur le plan physique. Nous nous considérons plutôt comme faisant partie d'une minorité culturelle et linguistique" précise le Comité international des sports des sourds.
Vers une Réunion des Jeux ?
Malgré ces arguments en faveur de la séparation, certaines voix s'élèvent pour plaider en faveur d'une intégration des sourds aux Jeux Paralympiques. Ils soutiennent que cela permettrait une plus grande inclusion et une meilleure visibilité des sports pour les personnes sourdes. De plus, cela pourrait simplifier l'organisation des compétitions et donner plus de poids au message d'inclusion des Jeux Paralympiques.
Il faudrait reconsidérer les critères d'admission, les catégories de handicaps, et surtout, s'assurer que les besoins spécifiques des athlètes sourds soient bien pris en compte. Cependant, cette fusion n'est pas simple à réaliser et ne semble pas à l'ordre du jour selon le Comité international des sports des sourds : "Le fait que les athlètes sourds participent aux Jeux paralympiques plutôt qu'à leurs propres Jeux ne permettrait pas d'économiser de l'argent. Au contraire, cela coûterait plus cher. À l'heure actuelle, les Jeux des sourds sont organisés de manière très économique, les coûts les plus importants concernant les sites et les officiels."
Conclusion
L'absence des sourds aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 s'explique par des raisons historiques, pratiques et culturelles. Les Deaflympics restent le principal événement pour les athlètes sourds, offrant un espace dédié à la célébration de leurs talents et de leur culture. Si une intégration des deux événements peut paraître séduisante, elle nécessite une réflexion profonde et une volonté de respecter les spécificités de chaque groupe.
En attendant, les Jeux Paralympiques de Paris 2024 seront, comme toujours, un moment de grande inspiration, tandis que les Deaflympics, qui auront lieu à Tokyo en 2025, continueront à être le théâtre des exploits des athlètes sourds. Les deux événements, bien que séparés, poursuivent un même objectif : surmonter les défis et briser les barrières.