Les personnes en situation de handicap peuvent souvent ressentir une certaine incompréhension dans leur milieu professionnel, car elles sont victimes de préjugés ou de stéréotypes. D'autant plus que 85 % des handicaps sont invisibles. Que le handicap soit psychique, sensoriel, moteur ou cognitif, il mérite d'être reconnu, compris et pleinement intégré dans le fonctionnement de l'entreprise. L'entreprise inclusive de demain doit apprendre à sensibiliser au handicap. Pour cela, rien de tel que d'organiser des ateliers de sensibilisation ludiques, intelligents et fédérateurs! Ava a rencontré Jean Figarol, de l'agence Goods To Know, pour en parler.
Ava - Bonjour Jean, pouvez-nous nous présenter l'agence Goods to Know en quelques mots ?
À la fois agence de communication, cabinet de conseil et organisme de formation spécialisé sur la thématique du handicap et de la diversité, Goods to Know a été fondée en 2013 par Fabienne Raynaud et Adeline Carrié.
Toutes deux avaient travaillé dans le domaine du handicap et de la diversité auparavant. Elles avaient fait le même constat : sensibiliser les collaborateurs sur le sujet du handicap relève d'un réel défi. Alors, elles ont décidé de créer leur propre structure, avec pour but de mobiliser les salariés qui ne se sentent pas directement concernés par le handicap.
Pour réussir à intéresser au-delà du cercle de convaincus, il faut garder en tête cette idée : on ne parle que de soi. C'est pourquoi notre offre de sensibilisation s'appuie sur les centres d'intérêt des collaborateurs. Sous prétexte de parler de musique, de cinéma, de nouvelles technologies, de séries ou de sport, on leur véhicule des messages essentiels pour favoriser l'inclusion du handicap en entreprise.
Ava - Quel est votre rôle à l'agence ?
Je travaille chez Goods To Know depuis 7 ans. Ma mission est d'accompagner les entreprises pour mener des actions de sensibilisation ou de formation auprès de leurs collaborateurs, managers ou RH. Je pilote aussi la partie " Études " de l'agence.
Ava - Quelles sont les questions importantes que vous amenez au coeur de l'entreprise ?
Certaines questions sont essentielles et récurrentes :
- Être en situation de handicap, qu'est-ce que cela signifie ?
- Quelles sont les différentes typologies de handicap?
- Comment effectuer la démarche pour obtenir la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) ? Qu'est-ce que cela implique ?
- Comment être accompagné en entreprise sur le sujet du handicap ?
- Sur la question du handicap auditif : qu'est-ce que le handicap auditif ?
- Quelles sont ses conséquences au quotidien?
- Quelles solutions existe-t-il ?
Ava - Pouvez-vous nous donner des exemples de jeux liés à l'inclusion d'un salarié handicapé ?
L'agence a vocation à sensibiliser à la diversité et à l'inclusion. Grâce à l'ADN double de notre structure, nous prêtons autant attention au fond du message qu'à sa forme.
Voici 2 exemples d'outils amusants et inspirants que nous avons conçus. Il y a eu tout d'abord :
- la carte à gratter. À l'image du jeu proposé par la Française des jeux, c'est un outil rapide et ludique. L'usager gratte la carte et en deux minutes, il reçoit 5 à 6 messages de sensibilisation.
- 80 % l'agence des talents singuliers, un serious game sur le handicap invisible et les rôles modèles. Le joueur doit découvrir les 15 célébrités qui constitueront le meilleur casting de son prochain événement ! Cinéma, sport, business, musique... Ces talents sont issus de mondes bien différents mais présentent tous et toutes un point commun : leur handicap est invisible et n'empêche pas leurs compétences.
L'idée est toujours la même : capter l'attention et susciter l'intérêt des collaborateurs sur le thème du handicap au travail.
Ava - Comment ces animations ont-elles évolué lors des deux ans de télétravail imposés par la pandémie de Covid-19 ?
Lors du premier confinement, l'agence a pris un virage important sur le digital . On a créé un jeu autour des séries télévisées : le joueur entre dans un bureau où il doit identifier des objets qui font références à des séries télévisées. Derrière chacune d'entre elles se trouve un personnage porteur de handicap. Le jeu permet ainsi de parcourir les différentes typologies de handicap. De plus, on y découvre une bonne pratique qui peut être directement appliquée par le salarié s'il a un collègue porteur de ce type précis de handicap.
Ava - Comment se développe la section e-learning de l'agence ?
Depuis 2 ans, nous développons cette activité avec le pôle formation. À mi-chemin entre la sensibilisation et la vulgarisation de contenus, on y propose des contenus plus approfondis. En ce moment, nous travaillons sur un nouveau e-learning : " 30" Inside ". Reprenant les codes de célèbres films d'animation, l'usager va passer 30 minutes dans son propre cerveau accompagné par 4 Gardiens de l'inclusion qui veillent quotidiennement à ce que nous ne prenions pas de décisions biaisées ou discriminantes : Écoute, Justice, Empathie et Performance. Si on les considère individuellement, ils ont les défauts de leurs qualités. Néanmoins si on rassemble ces 4 gardiens et qu'on s'y associe, on peut résoudre des cas pratiques du quotidien. Par exemple : comment parler de l'aménagement de poste visible d'un collègue handicapé ? Puis-je l'interroger sur la dimension technique de l'aménagement ou faut-il lui demander s'il a besoin d'une aide supplémentaire ? Faut-il évoquer les absences d'un collègue reconnu #RQTH ?
Ava - Comment se passent vos ateliers d'intégration de collaborateurs en situation de déficience auditive ?
Ces ateliers sont pensés comme des mini-formations destinées à de petits groupes de 10 personnes environ. Nous proposons 2 formats :
- un format de 3h avec pour thème " Manager une personne malentendante ". Il est destiné aux managers, RH et administrateurs.
- un format plus court (1h30) accessible à toute l'équipe, qui est un temps d'échange sans tabous où toutes les questions sont les bienvenues et où la bienveillance est de mise. Il peut inclure le nouveau salarié porteur de handicap.
L'idée est de générer un maximum de questions pour dissoudre les malaises et les préjugés. Mapping, jeu, quiz sont utilisés pour faire de ce moment un temps aussi convivial et amusant qu'instructif... Distinguer le chanteur Sting du compositeur Beethoven, par exemple, permet de comprendre la diversité des troubles auditifs (des acouphènes à la surdité). On évoque aussi tous les termes liés à la perte auditive et on les replace dans leur contexte.
Autre exemple : lors de l'arrivée d'un nouveau collaborateur malentendant, nous avions parlé de la culture sourde puis réalisé une brève initiation à la langue des signes. Au sortir de l'atelier, les participants pouvaient dire : " merci, bonjour, bravo, bon appétit "... ! C'était un icebreaker ludique, mais également une entrée " vécue " dans le monde de leur collègue.
Ava - Comment les animations développées par Goods To Know font-elles preuve d'innovation ?
Si le participant rapporte chez lui, le soir, de petites histoires vécues en atelier, alors on aura réussi à faire passer des messages. C'est à travers des expériences simples, marquantes et facilement transférables au quotidien que notre action est la plus puissante. Ces images et histoires marquent les esprits et inscrivent notre impact dans le temps.
Par exemple, sensibiliser les collègues d'un salarié malentendant à l'importance de l'écrit leur permet de développer ce nouveau réflexe rapidement et de l'installer dans la durée. Développer de petits réflexes accessibles, qui ne prennent pas de temps ou d'énergie, sont à la portée de tous et participent aux bonnes pratiques inclusives.
Autre exemple : au lieu de présumer des capacités d'un collègue sourd et de vouloir l'aider en faisant à sa place, il vaut mieux lui demander directement ce qu'il en pense. Personne d'autre que lui-même ne pourra mieux vous renseigner sur ce qui est faisable ou non.
De même, évoquer des solutions de sous-titrages instantanés, telles que celles d'Ava, aide à changer les mentalités et les réflexes professionnels. Pour expliquer aux équipes la fiabilité de l'outil, on leur parle de reconnaissance vocale avec Siri ou Ok Google, des éléments bien connus de tous et faciles à mémoriser.
En général, nous pensons nos actions autour de 6 axes:
→ jouer, dédramatiser, passer un bon moment ;
→ cultiver un état d'esprit ouvert à la réalité du handicap ;
→ éliminer les préjugés ;
→ susciter le débat ;
→ rassurer les collaborateurs ;
→ " banaliser " le handicap et parler " solutions " plutôt que " problèmes ".
Ava - Un mot de la fin ?
En présentant des solutions de compensation ou d'aménagement du handicap, on évite l'écueil de la mise en situation des difficultés représentées par le handicap au quotidien. On fait la démonstration qu'il est possible pour un salarié handicapé de travailler comme tout le monde